Littérature et Histoire
LITTÉRATURE ET HISTOIRE EN DÉBATS
COLLOQUE INTERNATIONAL
jeudi 10 – samedi 12 janvier 2013
J’ai pu assister à une session du Colloque « Littérature et Histoire en débats » qui s’est tenue à Paris, rue d’Ulm, à l’École Normale Supérieure, dans l’après midi le samedi 12 janvier. J’ai pu entendre les communications de l’historienne Annette Wieviorka, et celles de Catherine Coquio et Lucie Campos, spécialistes de littérature comparée.
Annette Wieviorka a parlé d’Abraham Sutzkever (1913-2010) dont les éditions Denoël vont publier bientôt le témoignage traduit en français. Il est considéré comme le plus grand poète yiddish survivant de la Shoah. Il est l’un des 38 témoins du fameux Livre Noir dont Annette Wieviorka a rappelé le titre complet : Le Livre noir sur l'extermination scélérate des Juifs par les envahisseurs fascistes allemands dans les régions provisoirement occupées de l'URSS et dans les camps d'extermination en Pologne pendant la guerre de 1941-1945. L’État soviétique avait commandé cet ouvrage à Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, d’après une suggestion, dit-on, d’Albert Einstein. Le travail de Sutzkever, à la fois poétique et historique, illustre bien le sujet du colloque qui s’intéresse aux relations entre littérature et histoire. Ce texte est un témoignage unique de l’agonie des Juifs de Vilnius, plus « libre » que celui que l’auteur avait pu faire lors du procès de Nuremberg où il avait été appelé à la barre le 27 février 1946. Le livre de Sutzkever est original parce qu’il s’intéresse à la mise en forme du témoignage, au-delà du simple document brut, comme le souhaitait Grossman, mais pas simplement synthétique non plus, comme le voulait Ehrenbourg. Selon Annette Wieviortka, à Nuremberg, on n’accorda pas à Sutzkever toute l’attention qu’il méritait pour des raisons politiques. Grâce à ce texte enfin disponible en français, on comprend ce qu’a été la vie intellectuelle juive dans la « Jérusalem de Lituanie » qu’était Vilnius, on voit aussi comme les Juifs se sont battus à mort en construisant en particulier une véritable ville souterraine, sous le ghetto. Avec ce texte, on a accès à des témoignages dans le témoignage et on voit pratiquement l’histoire en train de se faire.
L’intervention de Catherine Coquio m’a semblé plus difficile à suivre. Elle a parlé de Paysage de la métropole de la mort de l’historien Otto Dov Kulka, paru début janvier chez Albin Michel. L’auteur est rescapé des camps de la mort. L’éditeur précise que « Paysages de la métropole de la mort cherche à rendre compte au plus près, au plus intime, et par différents procédés littéraires, de l’horreur telle qu’un enfant a pu la vivre, et telle qu’un homme à la fin de sa vie, entre son exigence d’historien et la puissance de ses émotions passées, peut s’en souvenir. »
Lucie Campos enfin, a repris et développé certains éléments de son livre Fictions de l’après dans lequel elle s’intéresse à trois écrivains : JM Coetzee, Imre Kertesz et WG Sebald dont on peut considérer les œuvres comme à mi-chemin entre littérature et histoire.
Le romancier Antoine Volodine était annoncé mais il a été empêché au dernier moment.
J’ai trouvé que le niveau du colloque était assez élevé et j’avoue que je n’ai pas toujours tout compris, mais l’ensemble m’a paru très intéressant car je me souviens que, par définition, l’Histoire est d’abord un récit.
CR réalisé par Kleinberger Marion (TS1)
Ce CR de colloque peut être mis en relation avec le travail du Lycée " D’Aubergenville à Auschwitz, l’itinéraire d’Hélène Berr, une jeune juive dans la 2nde Guerre Mondiale. " où nous avions étudié en 2009/2010 le Journal d'Hélène Berr (disponible au CDI).
Comptes rendus de la conférence de B. Stora
Voici les 1ers comptes rendus de la Conférence de B. Stora à l'ENM :
Benjamin Stora, professeur des Universités, enseigne l’histoire du Maghreb contemporain (XIXe et XXe siècles), les guerres de décolonisations,
et l’histoire de l’immigration maghrébine en Europe, à l’Université Paris XIII et à l’INALCO (Langues Orientales). Paris.
Ce samedi, à l'ENM, une conférence a été donnée par cet enseignant chercheur qui a eu pour thème "L'Algérie : sortir de la guerre des mémoires".
Cette conférence visait à montrer l'importante différence des mémoires entre le côté français et le côté algérien. En effet, 2012 était le 50 ème anniversaire de la guerre d'Algérie : près de 200
ouvrages sont parus, 15 documentaires ont été diffusés, et des expositions ont eu lieu principalement à Paris. Cependant, il faut se rendre à l'évidence que la reconstruction de l'Histoire n'a
jamais vraiment éteint les passions, tout au contraire.
Cette conférence était découpée en 2 parties : d'abord, nous avons vu la version française de la guerre d'Algérie et des mémoires, puis, la version algérienne.
Tout d'abord, l'Algérie était profondément ancrée à la France étant donné qu'elle était un département français (rattachée au Ministère de l'Intérieur). Penser une éventuelle séparation de
l'Algérie était complètement inconcevable ; cette question s'est seulement posée lors de la guerre. Cette dernière ouvre justement une crise politique rattachée à un certain nationalisme français
qui provoque de profondes fractures au sein des formations politiques (la gauche comme la droite). Une sorte de "nouvelle affaire Dreyfus" est apparue, en raison des oppositions entre les
personnes favorables à l'indépendance de l'Algérie et ceux qui ne le sont pas : le consensus politique n'existe pas même en 1962, date de la fin de la Guerre. Benjamin Stora nous a rappelé que
cette guerre est "restée tapis dans l'ombre" même après la fin déclarée. Les politiques d'amnistie en 1962, 1964, 1974, et 1982 ont, en quelque sorte, empêché de regarder en face le passé
algérien. Des mémoires ont tout de même été portées par différents groupes ; les pieds noirs, les enfants d'immigrés, les harkis, les « pieds rouges » (en tout, 7 millions de personnes
sont rattachées à cette histoire).
Chaque groupe est enfermé dans sa vision de la guerre et un "réel cloisonnement des mémoires" existe ; ce qui constitue un frein pour la connaissance réelle de l'Histoire.
Ensuite, côté algérien, 90% d'entre eux vivaient dans les campagnes ; le nationalisme algérien (FLN etc...) est donc fondé sur les villes (élites citadines). La majorité des harkis étaient des
villageois qui ne parlaient pas le français, voulant seulement protéger leur petit territoire (ce qui donna lieu à des affrontements entre Algériens). Les indépendantistes ont du donc combattre à
l'intérieur de leur propre pays pour imposer leur idéologie. Ici, un problème de cohésion sociale est posé ; la question d'une fabrication d'un consensus sur le plan anthropologique et politique
reste décisif. Cependant, la connaissance que l'on peut avoir sur cette guerre, côté algérien, reste compliquée ; la fabrication d'une histoire nationale et d'une certaine propagande est
observable. Une difficulté d'accès aux archives et aux témoignages fait état d'une Histoire qui reste quelque peu mystérieuse.
L'accroissement historique ne permet donc pas forcément de réconcilier les mémoires. Nous avons vu que du côté algérien et français, tout diffère et chacun essaie de reconstruire l'Histoire d'une
manière différente. Nous sommes donc bien face à une certaine "guerre des mémoires".
C.R. réalisé par Ait Lasri Sarah (TES2)
Compte rendu conférence de Benjamin Stora
2012 est une année importante, c’est le 50ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Au cours de cette année 200 ouvrages ont été publiés, une quinzaine de documentaires ont été réalisés et il y a eu une audience importante. De nombreuses expositions ont été organisées notamment à l’Hôtel de ville où de nombreuses archives ont été exposées.
Aujourd’hui encore il y a des polémiques et des contreverses. On peut citer comme exemple l’exposition sur Albert Camus annulée à Aix-en-Provence. La savoir accumulé au cours des années n’atténue pas les différentes interprétations de cette séquence de l’Histoire. Il n’y a pas vraiment d’apaisement à cause de l’existence de beaucoup de points de vue différents, des passions vives des deux côtés ,français et algérien. Jusqu’en 1962 ,l’Algérie est un département, elle est intégrée à la nation française. La fin de l’occupation française est vécue comme l’amputation d’un territoire. La solution politique de la séparation est arrivée en fin de conflit. Cette séparation est difficile à penser, à accepter et à concevoir du point de vue français. Pour certains il est difficile de penser que la nationalisme algérien est différent du nationalisme français. A l’époque cela était inconcevable, peu admis plutôt occulté. Notamment pour la classe politique française car pour eux la solution était une intégration plus forte. Le nationalisme français est alors en échec (Jacobinisme, pensée des Lumières..). Il s’était construit sur la base de l’empire colonial. La guerre d’Algérie provoque des fractures politiques importantes au sein des catégories politiques. En 1958 les partisans de l’Algérie nomment De Gaulle dirigeant. Ce dernier ,deux ans plus tard ,engage les négociations. L’OAS (Organisation armée secrète) créée en 1961 par les plus radicaux des pieds-noirs afin d’empêcher l’indépendance de l’Algérie s’oppose à lui. Le parti socialiste SFIO est également opposé notamment Guy Mollet. En 1956, les soldats du contingent sont envoyés ce qui provoque la prise conscience en France de la mise en place d’une guerre. Près de 2 millions ont été envoyés jusqu’en 1962. Cela représente une grande partie de la société française et provoque une crise de la gauche. On assiste à la création du PSA (Parti socialiste autonome) puis du PSU (parti socialiste unifié) qui sont favorables à l’indépendance de l’Algérie. Le PCF ,parti communiste français, y est également favorable. Une crise morale touche l’Eglise, la famille et les syndicats (sorte de nouvelle affaire Dreyfus). Ces moments de grave crise se terminent par des reconstructions consensuelles or , ici on assiste à une absence de consensus politique à la « fabrication d’amnésie ». On oublie que pendant les élections de 1965 les partisans de l’OAS ont obtenu 1 million de voix. En 1962 les personnes sont ancrées dans leur idéologie il est donc impossible d’établir un consensus. La politique d’amnistie a empêché de 1962 à 1974 de regarder en face le passé algérien. L'amnistie est la loi qui fait disparaître le caractère d'infraction d'un fait punissable en effaçant la condamnation ou en empêchant (ou en arrêtant) les poursuites. Les groupes de mémoires sont très nombreux, il n’y pas de mémoire commune. Il y a le groupe des Harkis qui pendant près de 30 ans ont subi une ségrégation spatiale. Les « pieds-rouges » qui sont arrivés en 1962 pour reconstruire. Le groupe des soldats notamment est divisé également car des soldats pensent que la guerre a continué après le 19 mars 1962. Ce n’est qu’en 1999 qu’il y a la reconnaissance de la guerre d’Algérie par l’Assemblée Nationale. Il existe une nostalgie de l’Algérie française, celle d’avant 1954. Il y a un récit embelli par le groupe dominant des pieds-noirs .Les enfants des 400 000 Algériens émigrés en France ont une conception coloniale mais ils sont cependant attachés à l’identité française. Chaque groupe est enfermé dans sa propre vision de la guerre sans essayer de comprendre celles des autres. On assiste donc à un cloisonnement des mémoires ,ce qui est un frein à la connaissance réelle.
Du côté algérien , on parle surtout de la société urbaine alors que la société paysanne algérienne constitue une immense majorité, ils veulent aussi l’indépendance ; en effet la plupart des harkis étaient des villageois et venaient du « bled ». Les militaires se sont aperçus des problèmes d’analphabétisation. Il y a une guerre civile intérieure indépendantiste algérienne. Le FLN (Front de Libération Nationale) s’oppose au MNA (Mouvement National Algérien) créé par Messali Hadj. Il y a de nombreux affrontements notamment les massacres de 1957. Il y a à l’époque un problème : la légitimation politique est contestée très vite et la fabrication d’un consensus reste décisive. Dès 1963 à l’intérieur de la société algérienne il y a une question identitaire nationale. L’accès aux archives est difficile.
Le désert du Sahara est un enjeu ; le GPRA (gouvernement provisoire de la République Algérienne) et De Gaulle ont effectué des négociations de 1960 à 1962 autour de l’enjeu que représente le Sahara. Il y a du gaz, du pétrole et c’était un lieu d’expérimentation nucléaire. Il y avait même une close secrète dans les accords d’Evian selon laquelle les soldats devaient rester jusqu’en 1971. Da Gaulle était préoccupé, il était difficile d’envisager la partition car pour lui l’Algérie était utile parce que c’était un carrefour stratégique, une ouverture sur toute l’Afrique.
CR réalisé par Haggoud Yasmine et Eva Fkatchouk (TS1)
Conférence de B. Stora à l'ENM
Comme évoqué dans Conférence de B. Stora et exposition sur l'Algérie , aujourd'hui ,samedi 12 janvier, se déroulait la conférence organisée par l'Université du Mantois Camille Corot sur "Algérie:sortir de la guerre des mémoires".
Benjamin Stora a tout d'abord fait une présentation limpide en 45 mn avant de répondre aux questions des auditeurs pendant 45 autres minutes .
Le Lycée était représenté par 15 élèves (TES1,TES2 ,TS1 et TS2) et 2 professeurs .
On peut juste avoir des regrets sur le fait que pas plus d'élèves ne se soient inscrits et que 4 inscrits ne soient pas venus (alors que 50 personnes n'ont pas pu avoir de places dans la salle totalement pleine....)
Après la conférence , B. Stora s'est livré à une séance de dédicaces de ses ouvrages qui étaient présentés sur un stand de la Librairie la Réserve link
Les compte-rendus de la conférence seront bientôt en ligne sur ce blog !
Conférence de B. Stora et exposition sur l'Algérie
Comme déjà évoqué dans Conférence de B. Stora , une conférence aura lieu samedi prochain à l'ENM :
( article du "JTM " n° 333 du 3.01.13 )
Par ailleurs ,cette conférence s'accompagne d'une exposition à Rosny/Seine :
Voeux 2013
Toute l'équipe d'Histoire-Géographie vous souhaite une
EXCELLENTE ANNEE 2013
dans tous les domaines ...notamment scolaires !